
Souffle d’une Rose à Shiraz
Sous les coupoles dorées d’Ispahan, en 1645, une rose d’Ispahan (Rosa damascena) s’éveille dans les jardins de Shiraz. Ses pétales rouges, gorgés d’un parfum suave, portent un vœu fragile : apaiser les sabres d’un empire. Dans la chaleur du soleil persan, cette rose d’Ispahan murmure un espoir de paix, porté par les vents de l’histoire safavide.
Une Diplomatie par les Pétales
Au cœur du palais d’Ali Qapu, Ispahan scintille en 1645 sous le règne d’Abbas II, jeune shah de 22 ans. Lors d’un banquet somptueux, les tapis de soie s’entrelacent sous la lueur des chandelles, mais les tensions avec l’Empire ottoman, rival voisin, pèsent lourd. Selon le Tadhkirat al-Muluk (1723), Abbas ordonne qu’une rose d’Ispahan, cueillie dans les roseraies de Shiraz, soit offerte à l’ambassadeur ottoman.
Dans un silence suspendu, la rose, d’un rouge profond, repose dans les mains du shah. Lorsqu’il la tend à l’envoyé, les regards s’adoucissent. Ses pétales, frôlés par la lumière, semblent murmurer : « Que l’emporte a paix ». Abbas proclame : « Cette fleur est notre vœu d’entente. »
Ce geste, relaté dans Safavid Persia (C. Melville, 1996), désarme les cœurs. Les fouilles à Shiraz confirment que ces roses, distillées pour leur essence, étaient des présents diplomatiques, symboles d’une trêve fragile. Quelques mois plus tard, un accord éphémère est signé, et la rose d’Ispahan devient l’ambassadrice d’un empire.
La Rose et le Rossignol, Muse Poétique
La rose d’Ispahan transcende son époque pour devenir une muse éternelle dans la poésie persane. Au cœur du motif « gol o bolbol » (rose et rossignol), présent dans de nombreuses œuvres artistiques et artisanales, tapis, textils, vaisselle, la rose incarne la beauté divine, tandis que le rossignol, éperdu d’amour, chante sa passion.
Ce duo, célébré dans les vers des plus grands poètes, symbolise l’union de l’âme humaine et de l’absolu. Saadi, dans son Gulistan (1258), décrit la rose d’Ispahan comme « un soupir du paradis », dont le parfum évoque une quête spirituelle. Hafez, dans son Divan (XIVe siècle), fait du rossignol le gardien de la rose : « La rose d’Ispahan est le miroir du cœur, et le rossignol son chant d’amour. »
Sous les cieux d’Ispahan, la rose s’éveille,
Ses pétales rouges dansent sous le soleil.
Le rossignol chante, son cœur brûle d’amour divin,
Ô fleur de paix, ton parfum guide notre destin.
[Inspiré de Hafez, Divan, XIVe siècle]
Dans les miniatures safavides, la rose et le rossignol dansent ensemble, peints sur des manuscrits ou gravés dans des recueils, comme ceux conservés au Musée de Téhéran.

Ces œuvres, où les pétales délicats s’entrelacent avec des arabesques, capturaient l’harmonie d’un empire en paix. Le rossignol, perché près de la rose, incarne le poète, dont les chants exaltent la beauté éphémère de la fleur. Selon Safavid Poetry (P. Losensky, 2009), ce motif reflète une philosophie persane : la rose, par sa fragilité, rappelle la fugacité de la vie, tandis que le rossignol, par son chant, éternise son éclat. Ainsi, la rose d’Ispahan devient un pont entre la terre et le ciel, un symbole d’amour divin et de paix intemporelle.
L’Héritage de la Rose
La rose d’Ispahan tisse son héritage au-delà de la Perse. Introduite en Europe au XIIIe siècle, elle parfume les jardins médiévaux et inspire les poètes, devenant un symbole de l’Orient mystérieux.
Les voyageurs, éblouis par ses pétales, en font une icône d’élégance, tissant un lien entre deux mondes. En 2025, son essence embaume encore les marchés de Kashan et les boutiques de Paris. À Téhéran, ses pétales parfument les souks, tandis qu’à Shiraz, les conteurs mêlent récits et légendes.
L’exposition Splendeurs de la Perse (Louvre Abu Dhabi, 2023) a dévoilé un vase safavide orné de roses, rappelant leur rôle diplomatique. Sur Instagram, des artistes peignent ses pétales sur des mosaïques, et les parfumeurs capturent son parfum suave. La rose d’Ispahan, née sous les cieux de Shiraz, porte toujours son vœu ancien : la paix, même fugace, est un parfum éternel.
Un vers safavide : « La rose s’ouvre, et dans son cœur, La paix murmure au voyageur. » (Poète anonyme, XVIIe siècle. -Safavid Poetry, P. Losensky, 2009)
Un souffle d’histoire
Sous les étoiles d’Ispahan, une rose rouge s’endort, ses pétales tombés dans les pages de l’histoire. Elle a porté l’espoir d’une trêve, uni un shah et un ambassadeur. Fragile, elle a défié les tempêtes d’un empire. Ainsi s’éteint le murmure de la rose d’Ispahan, une fleur qui, dans son éclat, a rêvé de paix.
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