
Sous le soleil ardent de la Corse, le maquis est parcouru de sentiers rocailleux, bordés de thym, d’immortelle et de myrte, exhalant dans l’air des parfums envoûtants. Ces fleurs, discrètes mais puissantes, ne se contentent pas d’enchanter les sens : elles se goûtent, se savourent, portant en elles l’âme d’une île jalouse de son identité.
Dans cet écrin sauvage, chaque pétale est une page d’histoire, un lien entre la terre et la table, entre la légende et l’assiette. Bienvenue en Corse où les fleurs du maquis sont des poésies comestibles.
Ce que vous allez découvrir dans cet article
Le Maquis, Gardien des Traditions Corses
Le maquis, c’est le cœur battant de la Corse, un écosystème où chaque plante s’ancre dans la mémoire de son peuple. Depuis l’Antiquité, ses fleurs ont nourri, soigné et enchanté le corps et le cœur des Hommes.
Les bergers, figures légendaires de l’île, cueillaient le thym pour parfumer leurs repas frugaux, tandis que la myrte, offerte en liqueur aux parents et amis, scellait leur amité. L’immortelle, avec ses fleurs dorées qui ne fanent jamais, était brûlée lors des veillées funéraires pour purifier l’air, un rite ancestral.
Même Napoléon, dit-on, vantait l’odeur de l’immortelle, souvenir de son île natale. Ces plantes, ancrées dans le sol rocailleux, sont aussi des symboles de résistance : les fuyards du maquis, cachés sous les arbousiers, y trouvaient refuge et nourriture. Aujourd’hui, les cuisiniers corses perpétuent cet héritage, en mêlant ces souvenirs gustatifs en secrets de cuisine.
Les Fleurs du Maquis : quelques pétales qui ont une âme

Dans le maquis, on ne dresse pas un catalogue : on écoute les histoires que les fleurs se chuchotent entre elles quand le vent se lève.
Prenez l’immortelle, par exemple. Les anciens disaient qu’elle ne mourait jamais, même cueillie. On raconte qu’il faut une tonne de ces petites soleils dorés pour faire un seul litre d’huile essentielle – la patience corse en bouteille. Les bergers la glissaient dans leurs ragoûts de chèvre quand la viande était dure ; aujourd’hui certains chefs la mettent dans l’huile d’olive qui finit une dorade grillée. Goûtez-la en infusion : ça sent le curry lointain et ça vous remet l’estomac d’aplomb après trop de figatellu.

À côté, la népita joue les effrontées. Cette petite menthe qui n’en est pas une (elle tire plutôt vers l’origan avec un coup de frais en arrière-gorge) pousse en touffes rebelles. Une grand-mère de Sartène m’a juré qu’elle en mettait toujours une poignée dans la tisane du lendemain de fête « parce qu’elle remet la tête en place sans faire la morale ». Les cuisiniers, eux, la hachent vive sur l’agneau juste sorti du feu de bois. Un seul brin et tout le plat se met à chanter l’été corse.
La myrte, c’est l’hospitalité muette. On n’offre jamais « un verre » : on pose la bouteille sur la table et on remplit sans un mot. Les fleurs blanches, délicates, finissent parfois sur le fiadone ou dans une crème renversée. Quant aux baies, les hors-la-loi d’autrefois s’en gavaient quand ils dormaient sous l’arbousier. Une confiture de myrte sur du brocciu frais, c’est la pudeur corse qui fond en bouche.
Le thym corse – l’erba barona, « l’herbe du baron » – n’a pas volé son surnom : il pousse là où rien d’autre n’ose et embaume à dix mètres. Les bergers en avaient toujours une branche dans la poche, comme un sel de survie. Une pincée sur une tomme de brebis et vous comprenez pourquoi on dit que la Corse sent bon même quand elle est loin.
Et puis il y a la lavande papillon (Lavandula stoechas), celle aux épis qui ressemblent à des lapins violets. Les Romains en faisaient déjà des parfums ; les abeilles corses en font un miel sombre et résineux. Quelques fleurs séchées dans un sablé ou sur une panna cotta, et vous avez le maquis en dessert.

L’achillée, enfin, porte encore le nom d’Achille. Les guérisseurs la disaient bonne pour tout, surtout pour les bleus de l’âme. On en fait encore des beignets légers comme des souvenirs : trempés dans une pâte fluide, frits deux minutes, saupoudrés de sucre… et servis avec un sourire qui dit « on a toujours fait comme ça ».
Ces six-là suffisent. Le reste du maquis garde jalousement ses secrets ; il vous les livrera peut-être, un jour, si vous marchez doucement.
L’Art de Vivre à la Corse : Les Fleurs à Votre Table

Intégrer les fleurs du maquis dans votre cuisine, c’est adopter l’art de vivre corse : simple, généreux, ancré dans la nature et la mémoire des anciens. Imaginez une salade de tomates et brocciu, parsemée de fleurs de romarin et de népita, accompagnée d’un vin rosé corse.
Pour un dessert, essayez un fiadone agrémenté de fleurs de myrte ou un miel de lavande mêlé au yaourt. Les beignets d’achillée, croustillants et légers, sont un clin d’œil aux repas de fête corses. Pour les amateurs d’infusions, une tisane d’immortelle ou de népita apaise après un repas copieux.
Quelques précautions s’imposent : cueillez dans des zones non polluées, identifiez bien les plantes (la népita peut ressembler à d’autres menthes), et évitez la surcueillette pour préserver le maquis. Associez ces fleurs à des produits corses : un fromage enrobé d’herbes comme le « Fleur du Maquis », une charcuterie comme le « lonzu », ou un vin de Patrimonio.
Les chefs modernes réinventent ces traditions : un ragoût parfumé à l’immortelle ou une glace au miel de lavande. Pourquoi ne pas essayer chez vous ?
Le maquis corse, avec ses fleurs comestibles, est une invitation à ralentir, à goûter, à se souvenir. Chaque pétale raconte une histoire : celle des bergers, des hors-la-loi de légende, des familles, toutes générations confondues, réunies autour d’une table.
Une invitation au maquis
Cette exploration du maquis est un rappel que la cuisine est un pont entre passé et présent, entre nature et culture. Alors, pourquoi ne pas cueillir (ou acheter !) quelques fleurs du maquis pour votre prochain repas ? Une infusion de népita, une salade fleurie, ou même un voyage en Corse pour sentir le maquis sous vos pas.
🌸 Vous aimez ce blog ?
Recevez une notification à chaque publication pour ne rien manquer !
(désabonnement en 1 clic)
À lire aussi :
Quelles fleurs du maquis corse sont comestibles ?
Les plus courantes et sûres : immortelle, népita (calamintha nepeta), fleurs de myrte, thym corse, lavande stoechas, achillée de Ligurie, fleurs de romarin et fleurs d’arbousier. Toutes les autres demandent une identification parfaite.
Peut-on manger l’immortelle crue ?
Oui, les fleurs fraîches ou séchées. Elles ont un goût épicé-curry très surprenant. En infusion ou parsemées sur un poisson grillé, c’est un délice.
La népita, c’est quoi exactement ?
Une petite menthe sauvage corse (Calamintha nepeta) qui sent l’origan avec une fraîcheur mentholée. On l’utilise comme herbe aromatique sur l’agneau, dans les sauces ou en tisane digestive.
Les fleurs de myrte sont-elles comestibles ?
Oui, les fleurs blanches sont délicates et légèrement sucrées. On les met sur les desserts (fiadone, crème) ou en décoration. Les baies servent surtout à faire la liqueur.
Y a-t-il des fleurs toxiques dans le maquis corse qui ressemblent aux comestibles ?
Oui, certaines menthes sauvages ou petites fleurs blanches peuvent être confondues. Règle d’or : si vous n’êtes pas 100 % sûr, ne cueillez pas. La népita, par exemple, peut être confondue avec la menthe pouliot (toxique).
