
L’œillet est cette fleur qui porte en elle deux âmes : l’une ardente et rebelle, l’autre délicate et presque timide. Il suffit de le regarder pour comprendre qu’il n’a jamais choisi entre la barricade et le bouquet.
Ce que vous allez découvrir dans cet article
Une fleur au cœur ardent

L’œillet, avec ses pétales frangés et son parfum poivré, n’est pas une fleur ordinaire. Son nom, Dianthus (« fleur des dieux »), évoque des couronnes romaines, mais son âme pulse dans l’histoire humaine. Rouge comme le sang d’une révolte, blanc comme un adieu, rose comme un espoir, l’œillet raconte des siècles de combats et de mémoire. De la Révolution française aux places fleuries du Portugal, il fleurit là où l’homme rêve, lutte et se souvient. Dans les jardins du monde, l’œillet est un poème vivant, un pétale qui défie le temps.
Une fleur née sous le regard des dieux
Les Grecs l’appelaient « fleur de Zeus » – dios anthos – d’où son nom savant Dianthus. Ils en couronnaient les vainqueurs des jeux, les poètes et même les morts illustres. Pline l’Ancien raconte que l’œillet poussait spontanément sur les tombes des héros, comme si la terre voulait encore les honorer.
Dans la mythologie, on le rattache parfois à Artémis : une nymphe, transformée en œillet par la déesse jalouse, conserva à jamais ses pétales dentelés, semblables à des larmes figées.
L’œillet politique : quand une fleur renverse une dictature

Le 25 avril 1974, à Lisbonne, les soldats glissèrent des œillets rouges dans le canon de leurs fusils. Pas une goutte de sang ne coula ce jour-là. La dictature de Salazar, la plus longue d’Europe, s’effondra sous une pluie de pétales. Depuis, l’œillet rouge est devenu l’emblème des révolutions douces, celles qui préfèrent la fleur à la violence.
Avant le Portugal, il avait déjà servi : en Espagne sous Franco (l’œillet rouge était interdit dans les manifestations), en France où les ouvriers le portaient à la boutonnière le 1er mai, en Autriche où les sociaux-démocrates l’arborèrent contre le fascisme naissant en 1934. Il est la fleur du peuple qui se soulève sans haine.
Le langage secret des œillets
À l’époque victorienne, offrir un œillet n’était jamais innocent :
On l’offrait à la boutonnière, au corsage, ou glissé dans une lettre. Oscar Wilde, grand amateur d’œillets verts teints (symbole dandy), en fit presque un drapeau de l’esthétisme fin de siècle.
L’œillet dans la culture et les arts

Picasso en mit un rouge éclatant dans les mains de Guernica.
García Lorca l’évoque dans ses poèmes andalous comme « la fleur qui a le goût du sang et du miel ».
Au théâtre, les danseuses de flamenco le piquent dans leurs cheveux noirs.
Dans les mariages provençaux ou italiens, la boutonnière du marié est encore souvent un œillet blanc ou rouge.
L’œillet dans l’histoire : Révoltes et mémoire
L’œillet porte l’écho des bouleversements. En 1793, pendant la Révolution française, les condamnés à la guillotine arboraient des œillets rouges, symboles de bravoure face à la mort. Le Complot de l’œillet, tentative romanesque pour sauver Marie-Antoinette, cachait des messages dans ses pétales – un geste audacieux, mais vain.
Au XIXe siècle, l’œillet rouge devint l’emblème des ouvriers, ornant les boutonnières des socialistes lors des premiers 1er Mai en France et en Allemagne. En 1974, la Révolution des Œillets au Portugal transforma des fusils en bouquets : une vendeuse, Celestino, offrit des fleurs rouges aux soldats, et un pétale stoppa un tank, icône de paix mondiale.
Anecdote amusante : Oscar Wilde, en 1880, portait un œillet vert à Londres, signe de rébellion décadente. Ces symboles œillets mémoire lient les époques, des guillotines aux places libres.

Jardins du monde : L’œillet, étoile des terres humaines
Dans les jardins historiques, l’œillet tisse des récits. Au Moyen Âge, ses pétales blancs ornaient les cloîtres européens, dits « jardins de Marie », symboles de pureté chrétienne. Les moines les infusaient pour apaiser fièvres et âmes.
Au XIXe siècle, les jardins ouvriers de Paris (Parc Monceau) et Londres (Hyde Park) accueillaient des œillets rouges lors de meetings socialistes. En Afrique, les jardins de permaculture kenyans les utilisent pour repousser les insectes (études agronomiques).
Anecdote charmante : les « œilletiers » parisiens du XIXe siècle vendaient leurs bouquets dans les allées fleuries, mêlant poésie et commerce (gravures). Des cloîtres aux places modernes, l’œillet fleurit là où l’histoire s’écrit.
Un peu de botanique douce

L’œillet des fleuristes (Dianthus caryophyllus) vient des côtes méditerranéennes. Il aime le soleil brûlant et les sols pauvres – une plante de résistance. Les hybrideurs du XIXe siècle, notamment en Angleterre et à Nice, en ont fait des milliers de variétés : l’œillet Chabaud à gros pompon, l’œillet de poète aux pétales frangés, l’œillet mignardise miniature…
Son parfum ? Un mélange unique de clou de girofle (d’où son nom anglais « clove pink ») et de rose poivrée. C’est l’une des rares fleurs dont on extrait encore l’absolu pour la parfumerie de luxe (Joy de Patou, Œillet Sauvage de L’Artisan Parfumeur…).
Un pétale intemporel

L’œillet, rouge comme un cri, blanc comme un adieu, est une fleur de contrastes. Il honore les mères disparues (fête des Mères, États-Unis, 1908) et parfume les vins victoriens, une touche d’art de vivre (recettes de Mrs. Beeton). Dans les jardins du monde ou les révoltes, il reste un gardien de mémoire. Explorez ses secrets dans nos récits sur ses jardins historiques ou ses symboles de révolte. Rouge, blanc, rose, l’œillet bat au rythme du cœur humain, un pétale qui fleurit là où l’espoir renaît.
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À lire aussi :
FAQ sur les œillets
Quelle est la signification de l’œillet rouge ?
L’œillet rouge symbolise l’amour profond et passionné, mais aussi la révolte et la solidarité ouvrière. C’est la fleur emblématique de la Révolution des Œillets au Portugal (1974) et du 1er mai en France et en Belgique.
Pourquoi parle-t-on de « Révolution des Œillets » ?
Le 25 avril 1974, les Portugais ont renversé la dictature de Salazar sans violence : les soldats ont glissé des œillets rouges dans le canon de leurs fusils et la population en a offert aux militaires. L’œillet rouge est devenu le symbole universel des révolutions pacifiques.
Quelle différence entre l’œillet des fleuristes et l’œillet de poète ?
L’œillet des fleuristes (Dianthus caryophyllus) est la grande fleur parfumée que l’on trouve chez les fleuristes. L’œillet de poète (Dianthus barbatus) est plus petit, pousse en touffes et forme souvent des bouquets multicolores dans les jardins.
